Voir une bouteille de vin sur la table d’une cantine scolaire n’avait rien d’étonnant il y a 70 ans. En effet, l’alcool français était alors servi aux enfants pendant les repas et même en primaire !
Qu’ils aillent à la cantine ou qu’ils amènent leur casse-croûte, il n’était pas rare de voir des enfants boire du vin à l’école dans les années 50.
Le comité national de propagande en faveur du vin, qui était placé sous l’égide de l’État, faisait tout pour promouvoir la consommation de vin dans les écoles.
L’une de ses cibles prioritaires était les enfants.
En 1956, une loi interdit l’alcool à l’école aux moins de 14 ans.
Mais au-delà de cet âge, les élèves pouvaient continuer à se désaltérer avec « des boissons ne titrant pas plus de trois degrés d’alcool » s’ils avaient l’accord de leurs parents. Le document précisait aussi : « pas plus d’un huitième de litre » de vin coupé d’eau par élève, de la bière ou du cidre léger.
Boisson considérée fortifiante, accès limité à l’eau potable… des parents peu favorables à cette mesure n’approuvaient pas l’interdiction du vin à l’école.
Il a été décrit que certains mettaient alors dans le panier de leur enfant la boisson de leur choix: souvent un demi-litre de vin ou de cidre ou de bière suivant la région.
D’autres avaient décidé que les enfants boiraient leur vin avant d’aller à l’école avec les conséquences que l’on peut imaginer…
Les gens buvaient du vin et en donnaient aussi aux enfants parce que l’eau n’était pas toujours potable et nombre de maisons ou appartements n’avaient pas l’eau courante.
Le vin était par ailleurs présenté comme plus salutaire que l’eau.
Pasteur avait même recommandé le vin comme boisson hygiénique. On retrouve cette mention de boisson hygiénique dans les certificats délivrant les autorisations de débit de boisson.
Petit à petit, le remplacement du vin par du lait ou de l’eau est entré dans les mœurs. Toutefois, si le rouge n’était plus le bienvenu sur la table des cantines, il fallut attendre 1981 pour que les boissons alcoolisées soient aussi interdites dans les lycées.
Voilà un article, bien documenté, bienvenu dans ces temps troublés ( interdire le vin ou les armes?) et après les festivités, qui me replonge dans un passé scolaire.
1956: hiver mémorable de février où il gelait à “pierre fendre” (les arbres éclataient, le café gelait dans les maisons sans chauffage). 1956 c’est aussi l’atteinte de l’âge de raison: j’ai droit au couteau (opinel) et au verre de vin (coupé d’eau). Gel et âge de raison 2 motifs qui font apprécier le vin alors qu’un ministre de l’éducation nationale l’interdit dans les cantines. Je me souviens que quelques grands, après le “repas tiré du sac” montaient sur les bureaux…
Il faut dire que le verre de lait on connaissait à la campagne où chaque ferme avait des vaches. Le vin était dans la musette; ce viatique avec le pain saucisson et fromage rendait agréable l’école buissonnière. A l’époque on ne rendait compte que le lendemain au maître de son absence (planter les choux ou ramasser les pommes de terre).
Mendès France ne buvait que du lait. Mais c’est son ministre de la santé, le docteur Aujoulat (oncle de mon épouse) qui est l’auteur en septembre 1954 du décret supprimant la qualité de bouilleur de cru, privilège depuis Louis XIII. Ce décret a été abrogé le 8 novembre 1955 tant il était impopulaire auprès des 450000 débits de boissons et à plus d’un million de petits récoltants. Le privilège fut finalement abrogé en 1960 par Michel Debré.
La consommation de vin était certes forte en France (30,5 litres par adulte contre 9, 2 en Italie). L’article reproduit parle “parfois de cinq litres de vinasse par jour pour un ouvrier”. Il me souvient qu’un voisin à qui son médecin demandait s’il buvait lui répondit “comme tout le monde docteur” et combien: “ben 6 litres” (par jour)! Ne disait-on pas lorsque l’on “payait un canon”: “beou lou, te faro pas maou”. On croyait en Pasteur…
A votre santé!